Classe de CP fin des années 80.
Je reçois un bon point à chaque bonne réponse.
J’ai hâte d’en avoir 10 pour recevoir une image.

Classe de CM1, la maîtresse est “sanguine”.
Avoir la bonne réponse ou se taire n’est plus une quête au bon point, mais une question de survie dans la tête de la petite fille que je suis.

Collège dans les années 90.
Donner la bonne réponse pour avoir l’approbation des profs, faire la maligne pour avoir celle de la classe. Différents buts, même objectif : trouver la BONNE réponse. Celle qui fera être appréciée, celle qui fera être acceptée, celle qui fera être assimilée.

Concours de médecine, début des années 2000.
Trouver la bonne réponse n’est plus une option. C’est obligatoire pour réaliser ses rêves quand, à chaque QCM, il y a systématiquement l’option “E : autre choix”.

J’ai 20 ans et aucune idée de ce que je veux faire de ma vie.
Je n’ai pas trouvé assez de bonnes réponses finalement.

Pourtant je cherche désespérément celle à la question qu’on me pose maintenant presque tous les jours : qu’est-ce que tu vas faire de ta vie Lauriane ?

C’est quoi la bonne réponse ?

Cette question est la seule qui tourne dans ma tête.
C’est devenu une obsession, même s’il n’y a plus de bons points ou de QCM.

C’est quoi la bonne réponse ?
Comment me faire accepter dans mon nouveau travail ?
Quelle voie ai-je envie de suivre ?
Comment être pour que mon petit copain m’aime ?
Comment agir pour que ma famille m’aime ?
Quelle décision prendre pour trouver un job ?

C’est quoi la bonne réponse ?
Quel choix faire pour avenir professionnel ?
Quel choix faire pour ma vie ?
Études ou boulot maintenant ?

C’est quoi la bonne réponse ?

Alors je cherche, encore et toujours.
J’épie les réactions des autres, de moi.
Je pèse le pour et le contre dans une danse incessante qui ne trouve jamais de conclusion.
Parce que la quête ne s’arrête jamais.
Parce que chaque choix est balayé par le suivant.
Parce que la réponse à cette question n’existe pas.

J’ai passé 90% de ma vie à faire ce qu’on m’a appris.

Souffrir pour apprendre.
Récompensée en donnant la bonne réponse.
Punie en ne la trouvant pas.
Condamnée à rechercher sans fin une décharge de dopamine depuis longtemps disparue malgré la douleur vécue.
Comme un rat de laboratoire d’une expérience laissée à l’abandon.

J’ai passé 90% de ma vie à chercher la bonne réponse.
Pour me rendre compte qu’elle n’existait tout simplement pas.

Il m’a fallu vivre des choses extrêmes pour me rendre compte que ce que j’avais appris ne fonctionnait pas.
Pour comprendre que dans la vie, la vraie, obtenir la bonne réponse n’était pas le but.
Que tout réduire à ça était le moyen le plus direct pour être seule, malheureuse et frustrée.

Mais alors, si on ne cherche pas la bonne réponse ?
On cherche quoi dans la vie ?

Qu’est-ce qui serait plus puissant, plus grisant, plus motivant que chercher une bonne réponse ?

Ça.

Ce que je viens de faire là.

Tu n’as pas vu ?

Je n’ai pas cherché la bonne réponse.

J’ai posé une question.

Une question qui n’admet pas de bonne réponse.

Parce que chacun est différent bien sûr, mais aussi parce que moi-même je n’aurai pas toujours la même réponse en fonction du moment, de mes expériences, du domaine pour lequel la question se pose.

Il ne peut pas y avoir UNE bonne réponse à cette question.

Alors il est inutile de la chercher.

Il est plus intéressant de simplement se poser une question.

Il est plus pertinent de chercher à se poser la bonne question.

Et c’est là que le twist se fait.

Après des décennies à chercher à trouver la réponse parfaite à chaque question, j’apprends petit à petit à les poser.

Quelles questions vont avoir potentiellement le plus d’impact ?
Quelles questions vont me permettre d’avancer le plus ?
Je ne sais pas.
Je ne peux pas savoir.
Je ne peux pas avoir raison ou tort dans ce système.

Mais je peux être.
Je peux penser.
Je peux faire.
Je peux décider d’approfondir un sujet, d’y accorder du temps et de l’énergie.

Pas pour gagner quelque chose, mais pour le plaisir d’approfondir la question.
Ou je peux décider de passer au suivant, pas forcément pour éviter la question, mais parce que c’est le pouvoir que je m’octroie quand je m’autorise à me poser des questions.
Je m’autorise à dire non, je m’autorise à passer à la suite, je m’autorise à rester.
Et petit à petit, à force de me poser des questions, je me rends compte que je découvre au fur et à mesure une chose que je cherchais désespérément depuis longtemps : moi.